La récente campagne de publicité “Share Better” , lancée à New-York pour critiquer Airbnb et ses violations législatives résultant de son utilisation, témoigne des vifs débats engendrés par ces plateformes de partage. De même, le 12 septembre 2014, s’est tenu un séminaire dédié aux problématiques liées aux locations de meublés touristiques de particuliers par des plateformes web qui sont une “industrie hôtelière professionnelle déguisée”.
En France, la location de logements meublés pour une courte durée connaît un immense succès mais est aussi âprement critiquée par les hôteliers qui dénoncent la concurrence déloyale de certains utilisateurs faisant de la location de courte durée une activité commerciale habituelle sans qu’ils soient soumis aux exigences légales imposées aux hôtels .
Sur Airbnb, comme sur toute plateforme collaborative du même type, les utilisateurs sont responsables de leur propre comportement comme l’indiquent les conditions générales :
« Vous comprenez et reconnaissez être le seul responsable du respect des lois, règles et règlements, et des obligations fiscales qui peuvent régir votre utilisation du Site […]. Lorsque vous utilisez le Site […], vous ne pouvez pas et vous acceptez de ne pas : enfreindre toute loi locale, provinciale, nationale ou autre loi ou règlement applicable ou toute décision d’un tribunal, y compris notamment les restrictions en matière d’aménagement et les règlements fiscaux ».
Certes, mais quelles sont donc les limites ? Quels sont les risques de cette utilisation ?
Les risques juridique et fiscaux étant simplement transférés au propriétaire loueur.
Le régime applicable aux locations saisonnières et les locations meublées à courte durée a récemment été modifié par la loi du 26 mars 2014 afin d’adapter le cadre législatif à ces nouveaux acteurs. Si n’importe quel propriétaire peut louer son immeuble, il doit toutefois respecter certaines conditions s’il souhaite recourir à Airbnb, ou tout autre site équivalent.
L’article L. 631-7 alinéa 6 du Code de la construction et de l’habitation dispose que :
“Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article” .
Autrement dit, ces mise en locations « récurrente » de courtes durées sont alors définies comme un usage hôtelier et non plus à un usage d’habitation classique. Il est donc impératif de modifier l’affectation de son lot. Il faut donc demander un changement de destination de son lot lors de l’assemblée générale, résolution qui nécessite un vote à l’unanimité de tout les copropriétaires.
Dans le cadre d’un changement d’affection d’un lot qui viendrait en infraction avec le règlement de copropriété ou de l’état descriptif de division, n’importe quel copropriétaire ou bien le syndicat de copropriétaires pourra s’y opposer, qui le plus souvent cause un trouble de jouissance, en assignant le copropriétaire responsable aux fins de rétablissement de l’affectation du lot, conformément à celle prévue dans le règlement de copropriété.
De plus, si logement est construit dans une commune de plus de 200.000 habitants ou dans les départements des Hauts de Seine, de la Seine Saint Denis et du Val de Marne, il est impératif d’obtenir préalablement une autorisation pour y procéder. Dans les autres communes, l’organe compétent en matière d’urbanisme peut prendre une décision pour rendre obligatoire le système de l’autorisation préalable.
Cependant, il est prévu que ce changement de destination n’est pas nécessaire lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur.
Dans les zones soumises à autorisation préalable, le Conseil municipal définit le régime de l’autorisation temporaire permettant à une personne physique de louer le logement pour de courtes durées à une clientèle de passage.
La personne qui viole ces règles encourt une amende de 25.000 euros et les juridictions n’hésitent pas à faire application de ce dispositif. Par exemple, dans une ordonnance du 5 avril 2012, le président du Tribunal de grande instance de Paris a condamné un bailleur à une amende de 5.000 euros et a ordonné le retour à l’habitation, dans un délai de deux mois, de 4 logements donnés à bail en violation des dispositions de l’article L .631-7 du Code de la construction et de l’habitation.
Les risques pesant sur l’utilisateur-locataire
La situation du locataire est différente de celle du propriétaire puisque la sous-location est interdite sauf à respecter certaines conditions.
Il est ainsi nécessaire d’obtenir l’accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer (qui ne peut excéder celui payé par le locataire principal), sous la réserve que le bail n’interdise pas expressément la sous-location.
La sous-location est donc porteuse de risques pour le locataire puisqu’il faut qu’elle soit autorisée et qu’elle est, dans le cas contraire, une cause de résiliation du bail en vertu d’une jurisprudence constante.
Dans un récent jugement du 13 février 2014, le Tribunal d’instance de Paris du 9e arrondissement a jugé que, sous réserve de l’éventuel appel interjeté, le locataire percevait de la part des personnes hébergées, grâce à Airbnb, une contrepartie financière constituant une violation aux obligations que lui faisait l’article VIII de la loi du 6 juillet 1989 ainsi que son contrat de bail. Néanmoins, le bailleur a été débouté de sa demande d’expulsion du locataire ainsi que de sa demande de dommages et intérêts visant à obtenir indemnisation des sommes que le locataire aurait prétendument perçues par le biais d’Airbnb.
Ce risque n’est plus seulement théorique et, à l’instar du législateur qui durcit les règles, les juges sont de plus en plus sévères. Dans un jugement du 6 avril 2016, le Tribunal d’instance de Paris du 5e arrondissement a condamné à 5.000 euros de dommages et intérêts des locataires qui louaient leur appartement sur Airbnb sans autorisation. De plus, l’expulsion a été ordonnée, ce qui est une décision très grave. Nous ne savons pas si les locataires ont fait appel de cette décision.
Le temps est venu d’une grande méfiance et d’une répression importante. Il faut respecter la loi et, pour ce faire, la connaître. Il est donc plus difficile qu’avant de louer son appartement, ce qui est un frein à l’essor de cette pratique collaborative. On peut le regretter et le choix est avant tout politique. Il faudra suivre les évolutions du secteur avec attention.
Les risques pesant à la fois sur l’utilisateur-propriétaire et l’utilisateur-locataire
D’une part, il faut parler du risque fiscal.
Les conditions générales d’utilisation du site Airbnb rappelle qu’ “en tant qu’hôte, vous comprenez accepter d’être seul responsable de la détermination (i) des obligations de déclaration fiscale applicables qui vous incombent et (ii) des Taxes qui doivent être incluses et de l’inclusion des Taxes devant être collectées ou des obligations relatives aux Taxes applicables dans les Annonces. Vous êtes seul responsable du versement aux autorités compétentes de toutes Taxes incluses ou perçues par vous ».
Cette stipulation révèle que l’utilisateur d’Airbnb, qu’il soit locataire ou propriétaire, doit s’acquitter des charges fiscales lui incombant du fait de cette location. En effet, tous les revenus générés par cette activité par le propriétaire ou le locataire sont imposables. En tant que loueur en meublé, professionnel ou non professionnel, vous devez accomplir certaines démarches (obtention d’un numéro SIRET,…) et êtes redevable de la Contribution Foncière des Entreprises (CFE).
D’autre part, il faut souligner le risque de travail dissimulé.
Le fait d’avoir une activité de location de manière habituelle avec une rémunération à la clé pourrait être considérée comme une activité à titre professionnel et donc constituer du travail dissimulé. Cependant, il faut s’interroger à partir de quel seuil une activité de location sur Airbnb peut être considérée comme une activité professionnelle au regard de l’URSSAF.
Aucune décision de justice n’ayant été publiée sur ce point, il faut rechercher, selon les critères classiques en la matière, si cette activité de location est suffisamment habituelle et répétée. Il faut donc faire attention à son niveau d’activité sur Airbnb pour être à l’abri d’éventuelles poursuites judiciaires. Cet angle pourrait aussi être exploité par les hôtels pour lutter contre les personnes ayant un immeuble destiné à la location de courte durée de manière quasi-permanente.